Interview Olive de Lili Drop - 1re partie

vendredi 26 février 2021, par Jean-François Jacq

Quinze ans déjà qu’Olive, de son vrai nom Olivier Caudron, de Lili Drop nous a quittés. C’était le 17 janvier 2006. L’idée de publier l’intégralité de l’interview qu’il m’avait accordée en juin 2005 – quelques jours avant le concert de reformation de Lili Drop au Point Ephémère – et dans laquelle nous revenions sur l’ensemble de son parcours, est une façon de lui redonner la parole. Car son nom n’a de cesse de circuler depuis une quinzaine d’années. Ainsi ces dernières semaines entre les pages de Paris-Match, ou bien encore de Télérama, à l’occasion de la sortie du livre de François Ravard (ex-manager de Téléphone et ami de lycée d’Olive), Rappels. Mémoires d’un manager. Ce dernier à Paris-Match de déclarer : « Je ne sais pas ce que je serais devenu si je n’avais pas rencontré Olive. » Jean-Louis Aubert cite également de temps à autre le nom de son ami d’enfance (à la vie à la mort), son « Alter ego », Olive. Que je n’ai connu que lors de ses dernières années. Mais notre amitié fut intense, belle, vraiment belle, humainement. Un très grand ami. À la suite de cette interview, j’avais invité Olive dans une maison près de Paris, son dernier été, et c’est là que je lui ai fait part d mon souhait rédiger sa bio. Carte blanche de l’intéressé. Cette biographie, Le soleil noir du rock français : Olivier Caudron de Lili Drop à Olive, publiée en 2012 chez l’Ecarlate, je lui devais au nom de notre amitié. Histoire de remettre enfin les pendules à l’heure. Une dernière chose, qui m’insupporte. Olive avait pas mal bataillé pour voir rééditer l’intégrale de Lili Drop. On lui avait alors répondu que les bandes étaient perdues. Au lendemain de sa disparition, le 17 janvier 2006, je reçois un appel, à l’époque de BMG, me précisant que… les bandes ont été retrouvées ! L’hypocrisie à son comble. Depuis, l’intégrale de Lili Drop a été remasterisée, un coffret long box pensé (inclus l’intégrale d’Olive) par Sony en 2012, tout cela a trainé durant des années, sans que : « au nom de l’amitié ». Jusqu’à ce que l’on me réponde que c’est trop tard pour une réédition. Juste entre Nous. Mon petit doigt me dit qu’Olive aurait « vraiment » la rage.

INTERVIEW OLIVE - 5 JUIN 2005

Jean-François Jacq - Le fait de jouer de la guitare, c’est venu d’où ? Cela est venu de quelqu’un ou est-ce quelque chose de totalement personnel ?

Olive - La guitare en fait, c’était des amis de mes parents ; nous, on habitait à Bagatelle, à Neuilly, sur les bords de seine et en fait il y avait une copine de ma mère – ma mère était étalagiste décoratrice chez Hermès – qui vivait avec un monsieur sur une péniche. On allait souvent chez eux le week-end, et il y avait des tas de choses intéressantes sur cette péniche ; il y avait des guitares, et même des carabines et on tirait sur les canards ; ce monsieur avait une guitare flamenco, genre Django Reinhardt, et il m’a dit : si ça te branche je te la donne la guitare…

Jean françois Jacq et Olive
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Et tu as appris à en jouer tout seul ?

Alors oui j’ai commencé tout seul ; en même temps ma mère qui savait jouer du piano, tout comme ma grand-mère, me donnait des cours de piano, et elle a vu que la guitare ça me plaisait bien, et du coup la meilleure copine de ma sœur a commencé à me donner des cours de guitare, mais ce qu’on ne m’a jamais expliqué c’est que moi je suis un gaucher contrarié, je jouais sur des guitares de droitier, j’ai appris à jouer de cette manière et j’ai toujours joué comme cela.

Tes premiers souvenirs musicaux ?

J’avais dix, douze ans, et les cactus, Joe Dassin, I Can Get No Satisfaction, les Beatles…

Ensuite le concert des Who en 1970, donc un évènement marquant ?

Jean-Louis Aubert habitait le même pâté de maisons que moi ; on se connaissait de vue depuis l’âge de huit ans mais on ne se fréquentait pas encore ; je l’ai retrouvé chez les scouts, quand j’allais passer ma promesse pour être pionner et il m’a dit qu’il jouait de la guitare de son côté, il m’a montré des plans, what I say de Ray Charles et d’autres plans, et on est devenu copains, on était dans la même patrouille scout ; à vrai dire je ne sais plus du tout comment on a été voir ce concert des Who, je me rappelle que ce concert a été un déclencheur, et qu’on a vraiment flashé ; c’était au théâtre des Champs Elysées et tout le monde était assis, et il y avait la fosse à orchestre, et nous les deux gamins dans cette fosse…

Le lycée à cette époque, c’est quelque chose que tu as voulu très vite arrêté ?

En fait je me suis fait viré ; déjà l’école je n’aimais pas ça ; j’ai été à l’école du commandant Charcot, tu sais là où il y a un mec qui a mis une bombe, HB, en fait c’était mon école communal et ensuite je suis rentré au lycée Pasteur en 1966, à l’époque je ne fréquentais pas Jean-Louis, il faisait moderne et moi classique, latin, grec ; c’était l’horreur, j’étais très mauvais en latin, en grec je ne t’en parle même pas, et en plus je me suis fait piquer avec des bouquins pornos par la prof de français, alors ils m’ont fait redoublé ma sixième ; en 67 je passe à l’essai en cinquième, et puis c’est 68…

Couverture du livre «  le soleil noir du rock français  » de Jean François Jacq
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68, tu étais très jeune, douze ans ; tu as vécu ça comment ?

T’avais pleins de bandes, en plus j’allais en manif, et puis c’était l’émeute dans le lycée, on en profitait pour se marrer ; En fait à cette époque il n’y avait que les cours de théâtre qui m’intéressait ; il y avait une salle de spectacle pour le théâtre et nous on avait fait l’avare et moi je faisais Harpagon : au voleur ! Le reste, en fait, je séchais tous les cours, alors forcément je me suis fait virer à la fin de mon année 68 de lycée. Parallèlement c’est là, entre 67 et 68, que je suis devenu copain avec Jean–Louis via mon activité de scout hors du lycée.

Le premier groupe, Masturbation, avec Jean-Louis (Aubert) et Max (Picout, futur Diesel), c’est dans la foulée ?

Oui, en fait en 69 j’ai rencontré Max dans ma nouvelle école, c’était vachement bien, l’après 68, nous on utilisait les locaux des scouts pour répéter, et ça c’est mal fini parce que j’avais piqué des bouteilles de champagne, on avait tout picolé, ça avait fait un gros scandale, fallait voir le truc, avec nos libidos avenantes, on se regardait dans la glace, avec pour ambition de foutre le bordel et pour l’anecdote, il se trouve qu’il y avait Antoine de Caunes à Pasteur aussi, et Thierry Lhermitte qui avait une histoire avec ma sœur – il y avait des clash avec ces mecs-là qui avait un ou deux ans de plus que nous – et Antoine nous dit qu’il avait une batterie, et que pour son anniversaire on va faire un truc chez lui, donc on était venu avec mon ampli, la guitare de Jean-Louis, l’ampli que j’avais branché dans la salle de bain et je me suis électrocuté ; donc, notre premier désir de faire une prestation, avec Jean-Louis et Max, c’était chez les parents d’Antoine.

Entre 70, et 74, avant le voyage aux Etats-Unis avec Jean-Louis, que se passe-t-il ?

En 1970 je suis rentré dans la vie active, je suis devenu coursier, j’ai pris de l’acide, du payol, je suis parti au Maroc, j’ai fait ma vie, quoi. Jean-Louis était encore chez ses parents qui après lui ont pris une chambre de bonne ; je n’habitais plus Neuilly mais je venais régulièrement voir Jean-Louis qui lui était en bac C ; et Jean-Louis, je lui ai fait fumé son premier pétard, je lui ai dit : tu vas voir c’est génial, et tout… moi, à quinze ans je me suis retrouvé dans des communautés, Formentera, la petite île à côté d’Ibiza, j’ai connu Valérie Lagrange, Higelin, toute cette bande, c’était hyper important pour moi, j’étais dans la vie des hippies, tout ce mouvement, aussi bien littéraire, des communautés se montaient et on partait en Ardèche, au Maroc, faire les premiers festivals, j’ai été percussionniste pour Valérie Lagrange, je dormais dans la même chambre qu’elle, et j’hallucinais sur sa beauté…

Lili drop, Olive à l’extreme droite
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Et ensuite, donc, le voyage aux Etats-Unis, en 1974…

Donc Jean-Louis s’est fait viré de Pasteur, il s’est retrouvé à Carnot dans le 17e, avec cette volonté farouche de jouer de la guitare, de faire un groupe et tout ça alors que moi j’étais en plein dans la vie active, Jean-Louis a eu son bac, moi le grand amour que j’ai eu de 70 à 74, on s’est séparé, il se trouve que j’avais un peu de blé parce que j’avais travaillé, Jean-Louis rencontre à Carnot Louis Bertignac et ils avaient décidé de faire un voyage aux Etats-Unis, pour essayer d’aller voir la culture qu’on adorait, Neil Young, Jefferson ; en fait ils devaient partir à trois, Jean-Louis, Louis et un autre ami, Lionel Lumbroso, et finalement Jean-Louis me propose de partir avec lui tandis que Louis et Lionel y vont de leur côté ; j’ai dit banco, on a pas pris le même avion, on s’est retrouvé à new York je ne sais plus comment, on a fait deux équipes pour aller en stop de New York à San Francisco, on faisait la route de Kerouac, de motel en motel, j’étais parti avec le livre, sur la route, j’étais le seul à le connaître avec ma culture hippie, et franchement je pense que tout le côté contre-culture, c’est moi qui est apporté ce truc au sein de téléphone, après il y a eu François (Ravard, le futur manager de Téléphone) mais là on brûle les étapes. En fait quand j’étais aux Etats-Unis, j’habitais Auckland, et puis Jean-Louis est parti à Los Angeles, il avait plus de blé, il pouvait plus m’aider, alors donc j’ai trouvé du boulot et je me suis retrouvé dans une communauté, à Auckland ; les Etats-Unis ça me plaisait vachement et je cherchais à me marier, à avoir le Green Card, Jean-Louis est finalement rentré, moi j’avais un billet un peu plus open que lui, alors je continuais à essayer de brancher les femmes, est-ce que tu veux te marier avec moi, mais ça na n’a pas marché, en plus de ça je chope la gale alors j’en ai eu marre et je me suis dit que je n’y arriverais jamais, et je suis rentré en France.

Et tu as repris tes études ?

D’abord j’ai été vivre chez un copain et une copine mais c’était le bordel et comme en plus j’avais la gale je me suis retrouvé à la rue et mes parents m’ont dit : tu passes ton bac et on te loge ; j’avais coupé les ponts depuis mes 15 ans et demi, j’avais arrêté l’école en quatrième, en plus j’avais rien foutu cette année-là et je me suis retrouvé en deuxième trimestre de seconde, sans rien connaître au truc sauf que je parlais super bien anglais, et j’ai passé mon bac français, j’ai eu 14 à l’écrit et 17 à l’oral ; à l’époque, je suis passé en terminale à Edgar Poe, qui se trouvait sur les grands boulevards, près du théâtre du gymnase et là j’ai rencontré un mec, au début on pouvait pas se saquer, avec ses pataugas, un pull bleu marine et tout ça, c’était François Ravard et on est devenu les meilleurs potes du monde parce qu’il était plus âgé que ses débiles qui se trouvait dans cette boite à bac et que lui, il avait fait les squats en Angleterre, il avait une grosse culture cinématographique et donc, je lui ai présenté Jean-Louis qui était déjà en musicologie à Vincennes. Il se trouve que le père de François était un publiciste connu, il avait fait « on a toujours un petit pois chez soi » ; il avait pris sa retraite et acheté une maison dans le Périgord, par contre il avait besoin d’être une semaine de temps à autre sur Paris, et il avait pris un appartement de 100m² dans le 16e et il nous avait dit : vous me garder une chambre et vous pouvez loger, et en fait c’est là qu’on a vraiment commencé à répéter ; on faisait des morceaux ensemble, j’avais des trucs à moi, tout le monde apportait, on allait tout le temps à la cinémathèque puisqu’on était à côté, on allait faire du skate à Trocadéro, on allait voir tous les concerts et puis voilà, petit à petit une ébullition, Louis aussi qui venait, il y avait cette maison communautaire à Saint-Cloud où on allait tout le temps parce que Louis habitait dans cette maison, et Corinne aussi (Marienneau, bassiste de Téléphone), Louis était avec Corinne en fait. Tout ça nous ramène en 1976, les prémisses de Téléphone.

Par rapport à l’aventure Téléphone, tu as des choses à dire ?

L’histoire c’est que en fait, au départ on a fait un premier concert au Centre Américain, donc on avait sorti un tract et tout ça et ils n’avaient pas de nom et Jean-Louis me dit, c’est pas possible pour toi et à la guitare il préférait Louis, en plus Louis amenait Corinne, la bassiste, et il y avait aussi Lionel, alors en définitive, Jean-Louis a fait en sorte que ça se passe avec Louis, il avait cette fascination par rapport à Louis comme guitariste génial, donc sans qu’il y ait de nom c’est devenu Louis, Corinne et Jean-Louis au départ, Lionel s’est fait évincé parce que c’était le bassiste à la base, et moi je me suis fait évincé parce que j’étais guitariste, Jean-Louis a resserré les boulons et a fait ce truc-là, donc nous on a fait la première partie au Centre Américain, avec un copain d’école, qui est mort du sida depuis, et qui a eu un enfant avec Enzo Enzo (future Lili Drop) ; après ils ont trouvé le nom de Téléphone, moi j’ai fait un groupe qui s’appelait Diesel, avec un mec qui s’appelait Plume, ça commençait à prendre, on se connaissait pareil, du quartier, c’était des gens de Levallois, et avec Plume on s’est mis à bomber tout le périphérique, et à faire comme les tags qui n’existaient pas vraiment encore, j’avais pris ça de ma culture américaine et je leur avait dit : c’est comme ça qu’on fait.

Olive sur scéne avec Diesel au Gibus en 1977
Crédit : Charlotte Levy

Vous aviez utilisé le nom du groupe Diesel, comme un logo ?

Oui voilà, très logo, conceptuel quoi. Tout se passe à un moment où les maisons de disques commencent à lorgner sur cette ébullition du rock français.

Il y eu Bijou qui était les premiers ; et en fait, nous on travaillait avec un éditeur qui s’appelait Jacques wolfsohn, qui s’occupait de Françoise Hardy, Dutronc, tout ça, un mec hyper important, il bossait avec François qui est devenu le manager de Téléphone, à qui il a présenté Philippe Constantin qui lui venait d’une école de commerce, il a signé les Pink Floyd en édition et s’est retrouvé avec plein de pognon, et le truc s’est monté comme ça par rapport à Téléphone, après comme je dis dans la chanson Valérie : « de ma misère solitaire à la vie militaire j’ai donné une journée et j’ai joué à la guerre, j’ai été confirmé débile et parano » ; il se trouve que j’avais fait des reports d’incorporation, au trois jours comme un con j’ai merdé, j’étais bon pour un an d’armée, bon là je me suis fourré de produits divers, ils m’ont pas gardé, j’ai été en HP, et quand je suis revenu dans notre appartement, avenue Frémiet, et que je suis revenu voir le groupe, François et Jean-Louis m’ont dit : on veut plus que tu habites dans l’appartement, et Diesel m’ont dit : on te vire du groupe ; parce que moi, tu vois, j’avais vu les Sex Pistols, j’étais hyper punk sans le savoir, eux jouais du Bob Seger bien propre, moi j’arrivais la gueule peinte en bleu, je me roulais par terre, j’escaladais les murs, alors que les autres étaient cadrés par une structure à la wolfsohn.

Ça donne l’impression que chacun avait déjà une ligne tracée, et que tu étais encore dans cette envie de découverte, et encore d’initiation en fin de compte ; comme quelque chose qui n’était pas arrivé au bout de son processus.

Oui mais tu vois, en même temps j’ai rapproché les gens, et si je n’avais pas été l’énergie du truc, je pense que ça se serait pas fait, franchement ; et les mecs sont jamais sortis de leur chambre de bonne, de leur configuration ; moi j’ai apporté tout le côté hippie, contre-culture, François qui baignait aussi dans la contre-culture, et Corinne aussi était dans la contre-culture.

Une chose indéniable, c’est que tu as été l’initiateur de ces rencontres, c’est quelque chose qu’on ne peut pas t’enlever et qui doit être dit.

Et qui n’a jamais été dit ; du moins pas assez. Enfin bref… Pour moi être viré de l’appartement et de mon groupe en même temps, ça a été vraiment un coup de Trafalgar, mais bon, pour eux j’étais un junkie, déjà je me shootais, j’étais le mec incontrôlable ; entre-temps j’avais rencontré Violon, fan de Diesel et qui trouvait marrant que je me roule par terre pendant les concerts, et là j’avais plus rien, je vais chez une copine, Charlotte, qui plus tard a fait partie des Lou’s, dont j’ai été le premier mec et avec qui je suis resté un an, et là j’ai commencé à écrire mes premières chansons de Lili drop… Ces événements ont donc été une impulsion, ça t’a obligé à rebondir sur quelque chose de totalement personnel.

Et donc, Lili drop. La formation s’est vite mise en place ?

Le premier album de Téléphone était sorti, ils faisaient pas mal de concerts, donc c’est comme ça que j’ai rencontré Korin (future bassiste de Lili drop) qui était poursuiteuse pour le groupe, moi j’étais avec Charlotte et un peu avec Violon, et donc Charlotte a rencontré ce milieu de l’avenue Frémiet, moi j’y habitais plus dans cette maison mais j’y étais fourré tout le temps et si on y était pas fourré on était à Saint-Cloud, et puis Korin nous a apporté une autre tribu qui était dans une colocation à Montreuil, avec un local en dessous, une cave, Korin avait commencé la basse, et Violon avec qui je sortais, j’étais son premier mec aussi ; tu vois j’aimais bien les premières fois, à l’époque j’avais un côté genre très macho, j’avais dix-huit, dix-neuf ans, c’était je les prends je les déflore et en même temps après je les drague, elles sont pour moi, ça a un côté maquereau violent ; n’empêche qu’il y a eu cette maison à Montreuil, il y avait la cave, on répétait, évidemment à l’époque on se défonçait énormément, et Jean-Louis et Louis, c’est à peu près à cette période, pendant deux, trois ans où ils ont touché à la came, moi j’avais touché à la came à treize ans ; un jour on part avec Violon, Korin et un éclairagiste de Téléphone à San Sébastien, une ville du pays basque, parce que cet éclairagiste était basque, et dans le train je me souviens, El topo qui est un espèce de petit train qui va de le frontière française jusqu’à San Sébastien, c’est là qu’on s’est dit : on va trouver un nom, et a jailli le nom de Lili drop. Tu as donné une définition du nom du groupe dans une interview, ou tu expliquais que Lili, c’était à la fois léger, drôle, féminin, et drop c’était pour poudre en verlan ; tu disais que c’était un nom ambigu et dangereux.

Lili Drop. L’une des premières affiches du groupe. 1979
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Donc un choix très provocateur en définitif ?

Oui le côté à double tranchant, et en même temps trouver un nom qui ne soit pas comme Bijou, Trust, Téléphone, un nom composé tu vois, dans la veine Taxi girl, Édith nylon ; au départ le nom du groupe, c’était un pseudo pour moi, et puis c’est devenu le nom du groupe.

Au début de la formation initiale, vous n’êtes pas trois, il y a Lionel Lumbroso avec vous ?

C’est-à-dire qu’en fait, au départ, Korin essayait de faire aussi d’autres choses avec d’autres groupes, en plus de ses activités d’éclairagiste pour Téléphone, et Lionel pour moi c’était justement le mec avec qui on avait flirté aux États-Unis, il faisait le lien car il était un vrai musicien, moi je me retrouvais avec des nanas qui ne savaient pas joué, donc Lionel c’était un socle où je pouvais m’appuyer, il m’a aidé énormément musicalement dans l’élaboration de Lili drop, du fait qu’il puisse répéter, qu’il était disponible, que je le connaissais bien…

Le concert du 3 mai 1979, en première partie de Téléphone à Nice. C’est le point de départ.

Oui, en fait c’est l’acte de naissance du groupe, parce que dans la salle il y avait l’éditeur de Téléphone, Philippe Constantin, qui est mort depuis, et qui avait fondé une maison d’édition qui s’appelait Clouseau, en hommage à l’aviateur ; donc il était venu voir ce concert ; il se trouve qu’il y avait les Hells Angels de Nice qui nous jetaient des cailloux, car eux ils venaient voir Téléphone et ils se retrouvent avec Lili drop, deux petites nanas et moi, mais Philippe a complètement flashé sur le groupe, et donc en novembre, on signe avec le même éditeur que Téléphone, on fait Sur ma mob  ; et d’ailleurs pour le refrain de cette chanson, je me suis servi d’une grille que m’avait montré Lionel, un classique de bossa nova, et moi j’ai fait un mixe de ça ; on a fait le truc avec Michel Eli qui était notre directeur artistique, et puis moi, ne me sentant pas à la hauteur pour toutes les guitares, j’ai appelé Louis, qui est donc venu faire une partie des guitares.

[|LILI DROPSUR MA MOB (1979, 1er 45 tours)|]

Dès le début il y a un truc étonnant, ce sont les pochettes de Lili drop. On a l’impression pour chaque pochette que ce sont de véritables petites œuvres d’art, et Sur ma mob , déjà, il y a ce que j’appellerai une marque de fabrique.

Alors la pochette on savait pas trop, et il se trouve que ma mère étant aussi artiste peintre m’avait fait un montage avec du papier gommé, et c’était super parce qu’en fait ils ont fait une repro du papier gommé, mais à l’origine c’était du papier doré, mais comme on était pas connu et qu’on avait pas de sou, tout le doré a disparu.

Dès le premier 45 tours ça a été très fort tout de suite, on sentait un groupe puissant, sauf que la promo, ça n’a pas été ça ?

Alors la promo, en fait, en édition avec Clouseau qui avait passé un deal avec Warner, mais à l’époque Warner était en train de se faire racheter par BMG, qui s’appelait Arabella pour la France, donc nous on en a souffert, car en plus il changeait de réseau de distributeur, et on s’est retrouvé en décembre, à noël, à faire Guy Lux, à monter dans les charts, et les gens pouvaient pas acheter le disque parce que la plupart du temps ils ne le trouvaient pas.

Pierre Hurel devient le manager du groupe à ce moment-là ?

Il se trouve que Pierre Hurel habitait dans cette maison de Montreuil, avec son petit frère Nicolas, que Nicolas sortait avec Korin, que eux ensemble bossaient dans un autre groupe, et Pierre est devenu tout naturellement le manager ; après le premier 45 tours, la maison de disques nous pressait pour faire le premier album, j’avais des chansons que j’avais écrites chez Charlotte, donc j’avais matière à et puis je me souviens très bien que c’était place de l’étoile, j’ai dit à Pierre, dans ses délires hitlériens, enfin j’en sais rien mais je savais que ça collait plus avec Pierre, et en plus il y avait trop d’attaches du fait qu’il sortait avec Korin, donc je lui ai dit : je ne te veux plus comme manager ; et il se trouve que ma sœur se séparait du mec avec qui elle avait eu un enfant, dans les communautés hippies à Ibiza, Paulo, Jean-Paul Blanc, plus âgé que moi et dont je me sentais très proche, qui était pour moi un maître, et c’est lui qui a eu l’idée de la pochette de l’album ; je connaissais un super photographe qui faisait des photos de pub, donc on a enregistré l’album en Angleterre, et Jean-Paul nous propose le concept pochette : d’un côté des femmes soumises mais en même temps de vraies tigresses, moi j’avais ce morceau Monde animal que j’avais, et ça correspondait à l’univers. En tous cas c’est vraiment lui qui nous a expliqué ce concept, ce recto verso, d’un côté propre et l’autre non.

[|LILI DROPFOUTOIR (1980, 1er album Monde Animal)|]

Pour le premier album Monde animal, les critiques sont élogieuses, mais les ventes n’ont pas suivies.

Au niveau de la maison de disques, on était encore dans la continuité de la restructuration, et puis tout était bloqué sur Téléphone, et aussi sur Trust qui émargeait, et Lili drop finalement, comme n’avait pas d’identité propre, Téléphone c’était les Stones, Trust faisait du hard rock, bijou du rockabilly, et autant finalement en télés et en variétés, on avait une apparence qui passait bien, mais ils ne savaient pas dans quel case nous fourrer.

Pour résumer, on peut dire que Lili drop faisait tout simplement du Lili drop ?

En effet ; et ensuite, donc, il y a eu une grosse tournée Monde animal, avec les premières parties de Téléphone, on avait croisé Starshooter, la maison de disques nous avait organisé pas mal de trucs, les premières parties d’Iggy Pop, de Talking Heads, maintenant on était dans la cour des grands et on bénéficiait du son, on faisait des tas de concerts et tout était bon à prendre.

Ensuite il y a le 45 tours Agent secret , matière énorme de précision mais qui hélas, n’a pas non plus marché.

Comme je connaissais une communauté indienne, musicalement j’y ai même mis un sitar, il y avait le producteur qui était un mec génial, j’avais une idée world music dans la tête, on se démarquait vraiment avec ce mélange de sitar, de sax, et puis les chœurs, mais bon, encore une fois notre identité devenait de plus en forte mais on ne correspondait pas aux schémas.

Des groupes comme Lili drop, Starshooter et Taxi Girl existaient vraiment grâce à la scène ?

En 1981, il commence à se créer pleins de lieux, MJC, Bordeaux où il y avait tous les groupes en ST, standards stalags, Toulouse aussi, où là il commençait vraiment à y avoir un mouvement français avec des échelons, nous un peu jalousé parce qu’on était les copains de Téléphone.

[|LILI DROPAGENT SECRET (1981, 45 tours)|]

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